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January 2021
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« Balance ta start-up », « Balance ton agency »… pour ou contre ces dénonciations sur les réseaux sociaux ?

Maître Juliette Chapelle a débattu pour les ECHOS START de la question « Balance ta start-up », « Balance ton agency »… pour ou contre ces dénonciations sur les réseaux sociaux ?

Chaque jeudi, c'est Le Match. On confronte deux opinions autour d'une question… et à vous de forger votre propre point de vue Aujourd'hui, le débat porte sur les comptes Instagram qui dénoncent des entreprises supposées non respectueuses du droit du travail. Juste rééquilibre du rapport de force ou avènement de la diffamation ?

Au 27 janvier, le compte Instagram @balancetastartup compte 148.000 abonnés.

Par Léa Taieb

Publié le 28 janv. 2021 à 6:45

En septembre dernier, trois étudiants de l'école de commerce l'Emlyon lancent le compte Instagram @balancetonstage en réaction aux comportements sexistes subis par de nombreux stagiaires. Au même moment, @balancetonagency naît pour mettre en lumière le management toxique dans le secteur de la publicité et de la communication. La parole se libère, deux puissants fondateurs d'agence de publicité tombent. Plus récemment, le compte @balancetastartup a provoqué un séisme dans la start-up nation. La semaine dernière, il a révélé les nombreuses infractions présumées au droit du travail chez Lõu Yetu, une jeune marque de bijoux. Depuis cet incident, les comptes de dénonciation fleurissent dans de très nombreux secteurs d'activité : cabinet de conseil, journalisme, maisons de couture ou encore à l'hôpital.

Si pour l'avocate en droit du travail, Elise Fabing, ces comptes sont nécessaires pour prendre conscience des violences au travail, aux yeux de Juliette Chapelle, avocate pénaliste, ces plateformes passent pour des tribunaux populaires, coupables de décisions expéditives.

POUR : Elise Fabing, avocate en droit du travail et fondatrice du cabinet Alkemist avocats

« Aujourd'hui, les moyens mis à la disposition du salarié qui souhaite dénoncer une situation de travail illégale sont insuffisants. Les acteurs saisis (représentants du personnel s'il y en a, médecin du travail ou inspecteur du travail) n'ont pas de réel pouvoir contraignant.

Si l'employeur ne réagit pas, la seule solution pour le salarié, s'il a suffisamment d'éléments, est de saisir un Conseil de prud'hommes ou d'engager une action pénale (lorsqu'il s'agit d'un délit). Sauf qu'en pratique, il est souvent invivable de rester en poste lorsque ce type de démarche est lancée. Les délais de jugement sont hallucinants dans la plupart des juridictions. À Nanterre, ils sont de… 45 mois ! Pendant tout ce temps, l'employé doit vivre avec zéro réparation de son préjudice. Et la condamnation moyenne in fine pour des faits de harcèlement moral est de l'ordre de 7.000 euros. C'est trop peu.

Aujourd'hui, la menace contentieuse n'effraie pas les entreprises, le risque étant jugé faible et lointain, sans compter que l'impact sur leur trésorerie n'est pas dissuasif, surtout lorsque le salarié a peu d'ancienneté. Dans ce contexte, la libération de la parole sur les réseaux sociaux est nécessaire pour prendre conscience des violences au travail. Ces comptes Instagram diffusent des témoignages anonymes et lancent des alertes sur les comportements déviants dans certaines entreprises. En aucun cas, ils ne s'érigent en tribunaux populaires : les gestionnaires de ces pages tiennent d'ailleurs à donner la parole à l'entreprise mise en cause. Elle a un droit de réponse, et l'action en diffamation lui est ouverte.

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Ces comptes, en plus de lutter contre les mauvaises pratiques au travail, permettent aux entreprises visées de remettre en question leurs modes de management, de conclure des accords d'entreprises plus protecteurs des salariés et de prendre soin de leur marque employeur. Par exemple, le compte Balance ton Agency et l'association Les Lionnes ont permis la mise en place d'un travail de fond au sein de l'association des agences de conseil en communication (AACC), pour améliorer les conditions de travail des salariés du secteur.

Lorsque le monde du travail sera juste et équilibré, ces comptes n'auront plus lieu d'être, mais leur contribution est extrêmement importante.

CONTRE : Juliette Chapelle, avocate pénaliste, en charge de nombreuses affaires en droit pénal du travail

« La libération de la parole est toujours une bonne chose. Cependant, il est important de le faire dans un cadre adapté. Les comptes qui consistent à dénoncer des entreprises ou des managers présumés toxiques sont de plus en plus nombreux sur les réseaux sociaux. Or, je ne pense pas que ces plateformes soient un cadre adapté et agir efficacement contre le harcèlement ou pour lutter contre des abus dans le monde du travail. Le problème central est qu'il n'existe aucun contradictoire sur les réseaux sociaux, ce n'est d'ailleurs pas leur rôle. L'opprobre est donc jeté sur un employeur sans que celui-ci puisse donner sa version de l'histoire. Sur les réseaux sociaux, la personne mise en cause n'a pas les moyens de se défendre. Elle est directement condamnée voire cyber harcelée par des internautes qui n'ont qu'une seule version des faits.

Si l'on prend l'exemple de la marque de bijoux Lõu Yetu visée par le compte Instagram @balancetastartup, la fondatrice a été obligée de supprimer quasi immédiatement son compte personnel, sûrement, en raison de la déferlante d'insultes et de propos malveillants. Ces comportements proches du harcèlement peuvent entraîner la faillite d'une entreprise voire détruire des vies. Il est important de prendre conscience de la portée de telles accusations et de leur impact dans la vie réelle.

De mon point de vue, il est nécessaire d'engager des poursuites judiciaires plutôt que de dénoncer pour dénoncer. Lors d'une procédure pénale ou prud'homale, les deux parties témoignent, apportent des éléments probatoires et peuvent faire entendre leurs voix. Dans une enceinte de justice, la situation apparaît toujours beaucoup plus complexe, beaucoup moins manichéenne que celle dénoncée sur des réseaux comme Instagram ou Twitter. La justice, au contraire de ce qui se passe sur les réseaux sociaux, ne va pas condamner sur des affirmations, des allégations, mais sur des preuves, des éléments objectifs comme des témoignages d'autres salariés, des emails ou des enregistrements (notamment au pénal).

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Aussi, si les employés comme les employeurs se mettent à régler leurs problèmes sur les réseaux sociaux, les relations au travail pourraient en pâtir. Comment créer un lien de confiance dans un tel contexte ? Comment se comporter quand on a peur d'être piégé, d'être enregistré à son insu ? Comment avancer professionnellement quand on craint d'être accusé de management toxique sur les réseaux sociaux ? Même à l'heure de Twitter et d'Instagram, on doit pouvoir se mettre autour d'une table pour régler une situation conflictuelle.

Aujourd'hui, certains salariés peuvent être tentés de dénoncer leurs employeurs sur les réseaux sociaux plutôt que de faire appel à la justice - en manque de budget, de juges, de personnel judiciaire - pour obtenir réparation. Un procès est toujours une épreuve difficile psychologiquement et lourde financièrement, ce d'autant plus que les délais que ce soit au pénal ou aux prud'hommes sont longs. Tant que la justice ne bénéficiera pas d'un budget supplémentaire afin de pallier ces difficultés, il sera toujours tentant pour certains de détruire une réputation via un bad buzz sur les réseaux sociaux, sans que la personne mise en cause ne puisse se défendre. »

Léa Taieb

Retrouvez l'article sur le site LES ECHOS START

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